À l’occasion de la prochaine reconduction de son mode de gestion de l’eau et de l’assainissement, la municipalité de Forcalquier a un devoir de solidarité vis-à-vis des 12 villages voisins
La quasi-totalité des 12 autres communes de l’intercommunalité se sont positionnées pour passer de régies1 communales à une grande régie intercommunale.
Presque toutes également, conscientes qu’une régie intercommunale sans Forcalquier n’est pas viable – sauf à faire exploser le prix du mètre cube d’eau –, consentent à passer provisoirement en délégation de service public (DSP1) pour permettre la préparation de la régie intercommunale dans de bonnes conditions.
Or, pour une question de calendrier qui ne correspond pas avec la date du transfert de compétences eau et assainissement à la communauté de communes2, la municipalité de Forcalquier doit renouveler sa DSP en 2024, pour 6 ou 12 ans.
La solidarité territoriale impose à Forcalquier – la plus grosse commune de l’intercommunalité – d’être à l’écoute du souhait des autres municipalités. Dans ce sens, et pour permettre la mise en place à terme d’une régie intercommunale englobant Forcalquier, celle-ci devrait accepter l’offre de DSP sur six ans maximum, probablement au prix d’un léger sacrifice tarifaire.
L’eau plus chère, de toute façon
Pourquoi, même en régie, le prix de l’eau va-t-il augmenter ? Premièrement, il va falloir mettre en place une organisation territoriale de la gestion de l’eau avec du personnel qualifié et des moyens techniques et administratifs adaptés.
Ensuite, dans les communes qui gèrent actuellement l’eau en régie, en cas d’incident, ce sont le plus souvent les élus qui sont sollicités personnellement, soirs, week-ends et jours fériés compris. Pour y remédier, le nouveau mode de gestion intercommunale de l’eau devra mettre en place un service d’astreinte sur tout le territoire. Cela a un coût qui sera répercuté sur tous les usagers.
L’eau étant un bien commun par excellence, il nous apparaît comme une évidence qu’elle devrait être gérée collectivement dans le cadre d’un service public de qualité. C’est un choix éminemment politique. Le vote des élus de Forcalquier permettra-t-il à notre territoire de plus de 10 000 habitants d’accéder à une régie intercommunale ?
Qu'y-a-t-il-sur nos factures d'eau ?
Qu’attendent les usagers ? De l’eau au robinet, potable – non polluée –, en continu – sans coupures –, avec un service d’entretien et de dépannage fiable, et à un prix raisonnable.
Ce qu’on paie, c’est tout ce qui est mis en œuvre pour sa potabilité (les analyses, les traitements…) ; pour sa distribution (le réseau, les compteurs, l’entretien…) ; pour l’évacuation des eaux usées (l’assainissement). Et, selon l’intensité des épisodes de sécheresse, la collectivité doit faire venir de l’eau de réseaux en dehors de son territoire, ce qui a aussi un coût.
Rappelons que l’eau est gratuite, tout comme l’air et la lumière du soleil.
Ce qu’on paie, c’est tout ce qui est mis en œuvre pour sa potabilité (les analyses, les traitements…) ; pour sa distribution (le réseau, les compteurs, l’entretien…) ; pour l’évacuation des eaux usées (l’assainissement). Et, selon l’intensité des épisodes de sécheresse, la collectivité doit faire venir de l’eau de réseaux en dehors de son territoire, ce qui a aussi un coût.
■ ISABELLE MERCIER
Notes
1. En régie, le service est assuré directement par la collectivité. En DSP, il est confié à un tiers, le plus souvent privé.
2. La gestion de l’eau et de l’assainissement de toutes les communes va incomber à la communauté de communes au 1er janvier 2025, alors qu’à Forcalquier, le contrat de DSP en cours arrive à échéance au 31 décembre 2023.
Réponse de lecteur
L’article « Gestion de l’eau : la lourde responsabilité de Forcalquier » publié dans le numéro 10 de Sur la place a fait réagir un habitant de Pierrerue, qui ne partage pas l’analyse qui est faite.
Le débat d’idées, quand il se déploie dans le respect des personnes, comme c’est le cas ici, est un signe de bonne santé démocratique.
Nous vous proposons donc cette contribution. Il s’agit d’un courrier de lecteur, les propos tenus n’engagent que son auteur.
■ Le comité de rédaction de Sur la place
Quels choix pour la gestion de l’eau et de l’assainissement par la communauté de communes ? L’évidence de la gestion directe, exemples et arguments
Le « principe de réalité » est brandi haut et fort par le maire de Forcalquier et ceux qui le suivent pour justifier les choix et le vote du conseil communautaire du 21 septembre dernier en faveur d’une délégation de service public (DSP), c’est à dire une concession au privé de la gestion de l’eau et de l’assainissement pour toutes les communes de notre comcom (mais rien n’est encore définitif : de la voix-même de son rapporteur, le vote du conseil communautaire est révocable).
Pourtant le principe de réalité de cette gestion de l’eau se situe plutôt du côté d’une gestion directe par les collectivités. Les exemples ne manquent pas tout près de nous : la ville de Sisteron (depuis 2020), les communautés de commune de Digne (depuis 2009) et de Manosque (au 1er janvier 2024). Il est donc important de contredire les arguments fallacieux assénés en conseil communautaire et repris depuis dans le dernier numéro du Mouv’. Une large information préalable à la décision doit être apportée aux habitants de la communauté de commune, ainsi que le réclamait la pétition signée par 1200 personnes cet été. Dans ce contexte, l’article intitulé « Gestion de l’eau : la lourde responsabilité de Forcalquier » paru en septembre dans « Sur la place » est problématique car, à contre-pied peut-être de son intention, il semble justement se résigner au principe de réalité qui ne permettrait pas le choix de la gestion en régie communautaire dès 2026 : c’est l’objet de ce texte d’apporter des arguments pour y parvenir.
L’auteure écrit : «La quasi-totalité des 12 autres communes de l’intercommunalité (hors Forcalquier) (seraient) conscientes qu’une régie intercommunale sans Forcalquier n’est pas viable – sauf à faire exploser le prix du mètre cube d’eau– (…)»
Il est difficile d’affirmer la non-viabilité d’une régie intercommunale, même sans Forcalquier. Aujourd’hui, en France, la gestion directe par les collectivités publiques représente 70% des cas avec des modalités très diverses car, rappelons-le, la loi n’impose pas un mode de gestion unique appliqué à toutes les communes. Outre les proches exemples de Digne, Sisteron et Manosque déjà cités, c’est aussi le cas dans notre région de Pertuis, Aix, Nice… ; en France, Paris, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier… la liste est longue, et de tous bords politiques.
Pour en revenir à notre comcom, l’analyse par le cabinet d’étude COGITE des trois scénarios étudiés pour les 12 communes hors Forcalquier (régie globale, concession, régie mixte) conclut que « le coût total de revient au m3 n’est pas différenciant pour les différentes modalités de gestion, avec un écart de l’ordre de 7% entre les différents scénarios pour l’eau potable et un écart de l’ordre de 8% pour le service d’assainissement collectif » ; augmentation qu’il faudrait valider à la lumière d’une étude contradictoire et qui ne peut être qualifiée d’explosion.
«Or, pour une question de calendrier qui ne correspond pas avec la date du transfert de compétences eau et assainissement à la communauté de communes, la municipalité de Forcalquier doit renouveler sa DSP en 2024, pour 6 ou 12 ans.»
Forcalquier arrive au terme de son contrat de DSP au 25 novembre 2023 et fait le choix de le renouveler. Evidemment Forcalquier pèse lourd dans la comcom dont elle représente plus de la moitié de la population. Mais techniquement, cela n’impacte que partiellement le choix communautaire comme le montre l’étude déjà citée. Par contre l’anticipation du transfert est une manœuvre politique anti-démocratique qui prive 10 communes de leur choix préférentiel pour la gestion en régie. Ces choix avaient été affirmés par les conseils municipaux entre avril et juillet (les délibérations en témoignent) à la suite de l’information apportée pour l’essentiel par le cabinet COGITE. Que s’est-il alors passé pour que la porte ouverte au printemps vers la gestion en régie se soit brutalement refermée à la fin de l’été, portant les maires de ces mêmes communes –sauf Limans, Montlaux et Revest-Saint-Martin demeurées sur leur choix initial- à voter en conseil communautaire pour la gestion en DSP, bafouant leurs propres engagements municipaux ?
«L’eau plus chère, de toute façon. Pourquoi, même en régie, le prix de l’eau va-t-il augmenter ? Premièrement, il va falloir mettre en place une organisation territoriale de la gestion de l’eau avec du personnel qualifié et des moyens techniques et administratifs adaptés.»
Connait-on des collectivités publiques qui n’emploient pas des services techniques et administratifs ? Laisse-t-on penser que, dans ce cas, le coût pour la collectivité est supérieur au même service externalisé ? Les entreprises privées auxquelles on délègue la gestion de l’eau ont recours au même personnel technique, administratif et de direction, à qualification égale, missionné sur le territoire concerné. En outre une collectivité réaffectera ses excédents éventuels dans son budget de l’eau là où une société a vocation à dégager un bénéfice et reporte sur le prix de l’eau un ensemble de coûts auxquels ne sont pas soumises les collectivités publiques : impôts locaux, impôts sur les sociétés, contributions aux services centraux (dont les dividendes aux actionnaires). Le fait que la Société des Eaux de Marseille -à laquelle la mairie de Forcalquier a concédé la gestion- présente des comptes en déficit depuis trois années ne témoigne pas de sa philanthropie. La perspective d’un marché élargi au territoire communautaire pourrait justifier quelque sacrifice temporaire et gageons qu’elle recherchera rapidement, après le renouvellement du contrat, à dégager un bénéfice. Et enfin, concernant le personnel, on peut rappeler que du personnel technique et administratif voué à la gestion de l’eau existe déjà dans les communes.
«Ensuite, dans les communes qui gèrent actuellement l’eau en régie, en cas d’incident, ce sont le plus souvent les élus qui sont sollicités personnellement, soirs, week-ends et jours fériés compris. Pour y remédier, le nouveau mode de gestion intercommunale de l’eau devra mettre en place un service d’astreinte sur tout le territoire. Cela a un coût qui sera répercuté sur tous les usagers.»
Des élus contraints d’assumer une astreinte peut effectivement être une réalité plombante de la gestion de l’eau dans de nombreuses petites communes. Mais la délégation de service ne dispense pas les élus de la lourde tâche de contrôler la prestation du délégataire en matière d’entretien des réseaux, de qualité de l’eau, de bilan comptable, etc -jusqu’à devoir lui intenter un procès comme aujourd’hui à Pierrerue. C’est justement un avantage qu’offre la mutualisation de la gestion au niveau d’une intercommunalité, d’organiser les moyens techniques et notamment l’astreinte. D’ailleurs l’analyse du bureau COGITE a intégré le coût de l’astreinte, sans écart flagrant avec une DSP, dans un scénario de gestion en régie publique pour 12 communes hors Forcalquier ; crainte a fortiori obsolète dans un avenir de régie publique rejoint par Forcalquier.
«L’eau étant un bien commun par excellence, il nous apparaît comme une évidence qu’elle devrait être gérée collectivement dans le cadre d’un service public de qualité. C’est un choix éminemment politique. Le vote des élus de Forcalquier permettra-t-il à notre territoire de plus de 10 000 habitants d’accéder à une régie intercommunale ?»
Le vote des élus de Forcalquier, et de tous ceux qui s’y sont ralliés, en faveur d’une anticipation de la date de transfert et d’une DSP jusqu’en 2030 ne présage en rien de l’accès différé à une régie intercommunale. De plus, le motif du calendrier électoral pour justifier l’anticipation est absurde et malhonnête. En effet, la délibération du conseil communautaire du 21 septembre stipule :
(…) l’année 2026 étant une année électorale impliquant divers remaniements au sein du conseil communautaire et des conseils municipaux, elle ne semble pas propice à la réalisation d’une opération de l’ampleur du transfert des compétences eau potable et assainissement collectif.
Aussi, il est proposé d’anticiper le transfert de ces compétences au 1er janvier 2025 et ainsi de permettre une passation des services d’eau et d’assainissement aux équipes municipales suivantes dans les meilleures conditions possibles.
On a volontairement introduit un biais dans le processus de décision : on anticipe pour assurer le transfert dans les meilleures conditions mais on dit qu’un an, c’est trop court pour assurer un bon transfert en régie ! Or c’est faux : le délai a été de six mois à Sisteron, douze à Manosque, quatorze à Digne. Plus largement, la moitié des intercommunalités de France a déjà acté le transfert de compétences, et le temps nécessaire à la réalisation d’une procédure complète est en moyenne de deux ans (cf. le site des Intercommunalités de France). Le passage en régie publique est donc largement viable dès lors qu’on se donne jusqu’à l’échéance légale du 1er janvier 2026, trois à six mois avant le changement éventuel des équipes communautaires et municipales aux élections de mars 2026.
Dans un contexte où la gestion de l’eau devient un sujet sensible (protection de la ressource et de sa qualité, mutualisation et partage, etc), on peut encore mentionner qu’une régie publique permettrait à notre collectivité intercommunale d’affirmer des choix politiques forts déjà pratiqués par d’autres, comme : ne faire payer que la consommation d’eau ; pratiquer une tarification progressive (dont la gratuité des premiers m3) et différentiée (usages vitaux/usages de confort, usages domestiques/usages professionnels, résidences principales/secondaires, etc) ; protection des usagers face aux abus commerciaux (coupure interdite au logement principal, assurance superflue contre les fuites), etc.
Une large information de la population et un débat démocratique sont nécessaires. Un groupe de travail intercommunal s’est constitué dans cet objectif, dénommé EAU PUBLIQUE LURE-FORCALQUIER, qui réunit des maires, des élus municipaux et des citoyens.
■ BERNARD GAVOTY
Les lundis matin entre 10 h et 12 h, au 14 de la rue Grande, la porte à gauche de l’entrée du musée.
Retrouvez ci-dessous l’ensemble des tracts envoyés aux forcalquiérennes et forcalquiérens.